Hawa est petite et frêle. Pas bonne pour porter un enfant, comme disent certaines langues fourchues. Il va sans dire qu’ils ont sûrement raison. En trois années de mariage, aucun enfant ne vint grossir son ventre. Ce n’était pourtant pas la faute aux vains essais acharnés de son époux pour disposer enfin d’une progéniture à son image.
Son teint, comme beaucoup d’Ilnhedrîns, est assombri par le soleil. Son travail en extérieur, bien qu’étant voilée, ne la sauve en rien. Ses cheveux sont longs et épais dans son dos, d’une couleur concurrençant l’ébène. Ces deux yeux noirs lui donnent un air froid et perçant même s’il n’en est rien. Fille du peuple, elle est sale et son travail avec les animaux ont plus d’une fois bruni sa robe blanche. Ses mains, bien qu’usées par le labeur des chevaux, restent douces dans leurs gestes.
Hawa est délicate, silencieuse, paisible. Elle est sûrement le calme incarné, la laissant parfois faire partie du décor et ce,  au grand damne de son père qui aurait bien voulu avoir une fille à la voix plus portante pour faire le commerce de ses montures.
Excellente cavalière, sa posture est tellement droite que dans sa démarche pédestre, on dirait qu’un balai lui a été mis là où vous pensez. Cela ne le rend pas pour autant disgracieuse, simplement différente.

Passive. Voilà l’adjectif qui lui correspondrait le mieux. Timide, discrète, en retrait, elle a aussi bien sa place qu’un quelconque vase à fleurs.
Des années de « on dit » péjoratifs à son sujet, aussi bien pour sa maigreur enfantine que sur sa prétendue stérilité ou son veuvage, on fait d’elle une personne qui se cache de la foule et des regards en général.
Les relations qu’elle n’a pas avec les humains, elle les a avec les chevaux avec qui elle entretien une relation fusionnelle. Chacune de ses journées se ressemblent, plombées par le même rythme sans aventure : réveil, chevaux, tâches ménagères, chevaux, sommeil. Un rythme monocorde qu’elle a accepté à la fois comme punition à son veuvage et comme ultime lien qui la raccroche au bonheur. Et pourtant, elle rêve bien de beaux voyages aux péripéties si nombreuses qu'elle en oublierait d'être mortelle. Le danger, l'action, les flammes de l'interdit... Tout cela en rêve. Car dans de telles circonstances, la calme et paisible Hawa devait être remplacée par une femme plus courageuse et affirmée. Un rêve délaissé mais partiellement, car sur ses montures, elle retrouve une liberté loin des chaînes de sa vie quotidienne. Le grand galop devient pour elle une bouffée d'air pour survivre à l'apnée des autres heures de sa misérable vie.
Loyale, elle sera outrée par la trahison. Elle n’élève pas la voix et sait se faire comprendre quand il le faut, surtout lorsqu’il en va du bien être des chevaux.

Hawa naquit d’une famille d’éleveurs et de marchands de chevaux très réputée à Haïdayath. Le dressage d’équidés était une tradition transmise de la mère à l’enfant sur plusieurs générations déjà. Ainsi depuis des siècles, les plus beaux chevaux de tout Thosam passèrent entre les mains expertes d’un Shaal’Mekreth.
Hawa grandit donc dans cet environnement fait de paille, de crottins et de droiture. Jeune, elle montait en digne cavalière les plus belles montures de son père. Elle était si menue et frêle que plus d’un se plaisait à dire que la petite ne tiendrait pas longtemps aux les brûlures du soleil et aux glaces de la nuit. Furent bien nombreux ceux qui en avaient laissé leur main à couper que s’ils avaient été au bout de la torture, plus de la moitié de Haïdayath serait drôlement handicapée.
A dix sept ans, on la maria à un marchand de vingt ans son ainé, si bel et si bien elle s’en trouva veuve trois années plus tard. Le soleil avait emporté son époux, la laissant veuve retourner chez son père. Drapé du deuil d’un mariage sans amour (et sans enfant d’ailleurs : on l’avait même pour cela soupçonnée d’être stérile), elle reprit le dressage de ses tant aimés chevaux et s’y consacra corps et âme. Ayant perdu sa virginité, il était alors inconcevable d’envisager le moindre remariage. D’autant plus qu’une femme rumeuresquement stérile en fait fuir plus d’un.