Les semaines s'étaient écoulées lentement depuis la tragédie à Beldegorth.
La sorcière avait mûrement réfléchis, ou plutôt disons qu'elle avait réalisé ne pas être en position de force face à l'empereur. Il était le seul à pouvoir lui fournir l'aide nécessaire pour mettre son clan à l'abri, car là était la priorité avant tout. La profane avait bien souvent pensé à la forêt d'Emengir, là où Marblen avait proposer d'y installer le clan noir. Saresha avait bien souvent foulé le sol de cette immense forêt... Un endroit merveilleux fait pour des gens tel que les sorcières. Cette pensée d'y voir un village s'y construire et d'y vivre en paix l'avait réconforter... et de ce fait, la mère supérieur avait décider de passer outre sa rancœur pour tenter de renouer avec l'empereur Melborien. Il est évident aussi que sa décision avait été prise en partie à cause de sa rencontre avec Aegle, un des fidèles du viron.

A nouveau le sombre destrier filait vivement à travers les rues bomber de Nhôldanthar. La bête souffla un grand coup, libérant un petit nuage de fumée dans cette froide journée automnale puis s'arrêta devant les grandes portes du palais. La sorcière caressa la crinière de son roncin avant de descendre et de le flatter d'une tape sur le poitrail. Le cheval s’ébroua et lança sur sa maîtresse un regard sombre où une lueur rougeâtre brillait au fond de ses prunelles. La bête était sans aucun doute sous l'emprise de la magie. La profane gravit doucement les marches qui menait à la grande porte. A présent connu des gardes et ayant avertit de sa venu plusieurs jours à l'avance, Saresha fut escorter au travers du palais pur être conduite jusqu'au souverain des trois maisons humaines. Là, elle entra alors que le soldat ouvrit la porte, la laissant entrer. La même salle lors de leur première rencontre, rien n'avait changer si ce n'est le mobilier, sûr qu'il avait du être changé après avoir subir la colère de la mère supérieur. Saresha resta à bonne distance du bureau de marblen puis doucement, abaissa la capuche de son long manteau sombre, dardant sur la silhouette masqué de monarque un regard doré quasi animal.

« Bonjour mon seigneur... »

La voix de la sorcière avait résonné dans la pièce avec une certaine mélancolie et dénuée de sa froideur habituelle. Lentement, la femme s'inclina avant de se redresser, continuant de fixer Marblen dont elle distinguait très mal la silhouette au travers des rideaux pourpre qui le cachait.

« Une fois encore, merci de me recevoir et de... m'accorder de votre temps. »

Il n'y eut que cette haute et ogivale ombre découpée sous une arche flamboyante pour accueillir la profane, le dossier d'un trône achromatique, aux teintes sans doute salies et flétries par les ombres. Seule la vacillante auréole du foyer tranchait cette glaciale obscurité, mouchetant les revêtements irréguliers de taches fantomatiques, vivantes. La voix de l'hôte de se perdit dans cet abîme, ponctué par les crachats de l'âtre. Des crépitements postillonnant quelques astres mourants, des braises éphémères qui s'éteignirent dans cet accablant silence, tout comme les mots de la Mère supérieure.
Occulté par ce rempart capitonné, charpenté de dorures, le Monarque jubilait en toute impunité.
L'aura de Marblen imprégnait bien les lieux, cet espace n'en sembla pas moins arctique, abismal … Vide de tout, si ce n'était d'éther. Enfin, le félin dédaigneux qui avait choisi de faire croupe, consentit à manifester sa présence, apposant ses longs doigts annelés sur l'accotoir de ce chafouin paravent.
Le timbre profond du Roi s'éleva enfin, porteur d'une suffocante sécheresse, pareil à une rafale aride.

" Si ce don est productif … "

L'arceau de bois grinça sous la poigne du Réprouvé, qui venait de quitter son assise pour s'approcher des flammes. Seule sa projection vacillante, torturée, ondulait sur les murs de cette pièce, transfigurée en geôle par cette atmosphère étouffante. Une cellule bâtie par les doutes, striées par l'ombrage de barreaux, érigés par le Père des trois nations. Les manifestations de sa circonspection.

" Je vous écoute. "

Sans plus guider son hôte, le Bâtard se figea, souillant la pierre d'un simulacre étiré par les rais chancelants, même la clarté, semblait obéir au Souverain. Ses soubresauts et frémissements, faisaient gagner plus de consistance encore, à ce spectre ombreux. Une entité dressée, raide et inébranlable, l'allegorie d'une détermination sans faille qu'aucun n'artifice ne saurait éteindre. Une fiction, pourtant bien réelle, car le dynaste des Nhyvar'dîm avait déjà tout préparé, avec une grande minutie et … il ne lâcherait rien. Le retour de la Sorcière était éloquent, empli d'aubaines, de promesses. Un dépit qui trahissait la détresse, ne lui restait plus qu'à faire pencher le versant de la balance, de son côté. Le ton enjoué de l'Ensorceleuse lui revint, comme l'amer relent d'un souvenir indigeste. Ne restait plus qu'à goûter l'épice susceptible d'étouffer cette aigreur, mais aucun arôme ne serait plus doux que celui de l'humilité, à défaut des délices d'une reddition et d'une totale soumission.

La quiétude de l'Empereur était souvent dérangeante, elle ne laissait dans sa dimension, qu'un chapelet d'impressions bigarrées. Le potentat qui s'ignorait, lui, ne révélait jamais de couleurs, il n'offrait qu'un monochrome infini, un fond aussi glacé et insondable que l'éther noir. C'est à travers cette matrice qu'il percevait les nuances de la "grande toile", ce mystérieux tableau que son désir de domination lui interdisait d'intégrer, cette fresque en perpétuel mouvement qu'il tentait d'appréhender de façon objective … Sans l'éprouver comme le ferait le commun des mortels.
Il souhaita bien faire face à la profane, mais quand sa raison lui suggéra adroitement de se prêter à cette entreprise, son orgueil plus impérieux, lui refusa cet élan de "faiblesse".
Oui, car la complainte de la Sorcière ne devait en aucun cas le faire vaciller, lui faire perdre sa position, celle d'une force aussi despotique que parvenue.
Il n'en fut pas moins touché, en son for intérieur.
"Une trêve", c'était donc là le souhait de la Mère supérieure ? Mais pour palier à quelle guerre ?
Il n'y en avait jamais vraiment eu, car le Père des Trois nations avait planté le gonfanon de la victoire depuis leur premier entretien. Succès qu'il dut à sa nature profonde, brodée de turpitudes, celui qui lui avait permis de "baliser" l'esprit de la meneuse d'un groupuscule encore bien obscur et hermétique. Sans doute loua-t-il, la volubilité manifeste de l'ensorceleuse …
C'est toujours figé, sans même un frisson à l'échine, qu'il écouta la voix brisée de cette femme sans âge, apparemment insensible à cette soudaine abnégation.
Apparemment.
Il se retourna enfin sur une promesse, un engagement qu'il savait d'expérience, impossible à tenir :

" Pas d'enseignement sans déception, je saurais faire face à de nouvelles désillusions Dame Ner'daryn. Je n'attends pas de bonnes résolutions, j'éprouve seulement les conséquences. Vous avez eu votre chance et vous l'avez saisie … Vous aurez mon soutient, mais mes conditions resteront sensiblement les mêmes. Vous aurez le loisir de consulter le traité que j'ai rédigé en sortant … "

Plantant ses iris délavés dans les billes ambrées se la sorcière, soutenant son regard, il planta un index impératif en direction de son bureau, ou trônait un parchemin à rouleau d'ouverture … Visiblement fourni, à en évaluer son épaisseur. Il acheva enfin ce chapitre sur des mots qui se voulurent rassurants :

" Pour ce qui est des 'Non-vivants' "

Ce terme semblait plaire au Monarque. Il était mesuré, nébuleux, presque rassurant.

" Je pense avoir quelques ébauches d'idées pour votre protection ainsi que pour mes propres intérêts, nous en reparlerons en temps voulu. "

Oui, car l'heure n'était plus aux négociations, désormais, elle était vouée au dénouement de son inquisition. Ce n'était plus la "Reine" qu'il sous-pesait, mais ce qui était celé au plus profond de la jeteuse de sorts. Consultant le dos de sa main, lorgnant le sigil qui l'ornait d'un air évasif, presque absent, le "Fol-visage" posa une question aussi incongrue que curieuse. Matière à rompre le fil :

" Savez vous pourquoi je ne porte pas de couronne Dame Ner'Daryn ? "

Cette interrogation ouvrait nombre d'accès, pouvait ensemencer bien des terrains … La seule surprise du Père des trois nations, fut de constater que la Mère supérieure ne s'était pas même prêté au jeu, se risquant à une interprétation quelle qu'elle fusse. Insinuant donc sa propre rhétorique, il "céda", souffla même, ses mots, comme le râle poussif qu'expectorerait un homme harassé :

" La couronne est un 'symbole' statuaire, destiné à exposer une condition … Quand beaucoup de souverains ont choisi des parures flamboyantes, vaniteusement ostentatoires, j'ai choisi de donner du corps à l'allégorie. Le masque, m'a semblé approprié, il piège l'humanité, transfigure son porteur et escamote toute émotion … "

Ironiquement, le Dynaste de Mahbnon, autocrate reconnu de son temps, s'était retrouvé piégé par son propre stratagème. Un artifice qui n'avait que trop bien fonctionné. Chaque aube, il vénérait cette aubaine, pour la déplorer au crépuscule. Il aurait pu être un de ces visages paternels, bienveillants, adoré par son peuple, mais ce choix était le luxe que pouvait s'offrir un Roi, pas un Empereur.

" Il n'y a pourtant que chair et os sous l'acier, Dame Ner'daryn, la leçon à tirer de tout cela, c'est que l'homme a une forte tendance à diaboliser et mystifier ce qu'il voit sans pouvoir l'assimiler. Je n'ai pas la prétention de penser que j'ai compris votre peuple, mais je garde sur lui un oeil encore impartial, ce qui fait de moi un "véritable" allié potentiel, un atout rare dans les conjonctures actuelles. N'abordez pas cette coalition avec doute ou dépit, évitez de vous y accrocher avec avidité, et vous n'en tirerez que des bienfaits. "

Le message était clair, il n'avait été enveloppé d'aucune froideur, juste d'une droiture acérée. La véritable difficulté désormais, allait être "l'intégration" du Clan noir. Si un Réprouvé avait des prédisposition à la "tolérance", les autres nations risquaient de percevoir cette ligue d'un bien mauvais oeil. Surtout le peuple Kharvarîm.
D'un sobre fléchissement de nuque, Märblen accéda à la requête de la sorcière, amusé par son 'introduction' qui ne lui évoqua rien de moins qu'une tentative de corruption manifeste.

" Un de mes hommes va s'occuper de vous loger dans les quartiers destinés aux invités de marque. Vous serez appelée pour partager le dois … "

Le temps était devenu plus qu'une valeur pour le Monarque, il avait été relégué au rang de support. Le Fol-visage n'était pas de ceux qui se laissaient porter par le courant, non, il 'naviguait' sur les bras troubles du Cycle, les évaluait et par dessus tout, les maîtrisait.
C'est sans doute la raison pour laquelle, il avait mis son temps à profit pour quelques besognes, bien moins frivoles que l'apprêt. Lorsque revint la Sorcière, parée pour la "bombance", il se redressa de son siège, ne manquant pas d'observer une bienséance circonstancielle. Fat de constater que ses couleurs avaient été hissées par la Profane, il se contenta, pour manifester sa satisfaction, de "s'abandonner" à un rictus mesuré.
Le relâchement était une notion encore abstraite pour le Réprouvé.

La présentation appliquée, du 'Don' de la Mère supérieure ne fut d'ailleurs pas pour le déparer de son pingre agrément. Il lorgna le coffret avec une attention certaine, sentant la magie qui se dégageait du bois, comme la fragrance d'un parfum exotique. Eprouvant les pulsations étouffées par l'écrin, il dissimula difficilement son intérêt, sa seule vision de l'éther ne lui avait consenti qu'un faible aperçu de l'énergie dégagée par l'objet. Quelques volutes spectrales, d'un vert de jade dont il ne parvint pas à percer la teneur. Pour lui, la magie n'était que couleurs, il ne la ressentait pas comme les êtres "magiques", il avait simplement appris à la visualiser et la codifier. Ce que certains maîtrisaient par nature, lui l'avait appréhendé par raison. Penchant la tête, le Père des trois nations resta figé un instant dans cet état contemplatif, pareil à un animal auquel été tendu un boulier. Cette mesure était à dire vrai nourrie par sa sempiternelle et tenace, méfiance. Lorsqu'il daigna enfin ouvrir le baguier, il en sonda le contenu, non sans avoir précautionneusement toisé le contenant sous tous les angles. Prudence oblige.

" Cette offrande est une attention distinguée ... Je vous en remercie. "

Il y mit les rondeurs, bien évidemment, car il se devait d'apprendre, encore et toujours. Les arcanes des "Arts occultes", n'étaient pas encore acquises. Sans doute ne le seraient-elles jamais, car les ramifications étaient nombreuses, tout comme les modeleurs d'Ether dont la seule limite, était l'imagination.

" C'est une très belle pièce … Un objet qui a … De l'âme. En quoi, si je puis me permettre, pourrait-il m'être salutaire et utile ? "

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