"Tu as de l'eau ? Des vêtements de rechange ?"
"Oui... Arrête de t'en faire, tout se passera bien."

Sa sœur la regarda sévèrement. Dans la tête d'Aelalia, tout se passait toujours sans embûche. Tout du moins, c'était l'impression que la sorcière laissait à sa sœur. Celle-ci soupira légèrement, revenant vers sa cadette munie d'une bourse contenant des pièces d'or.

"Cache-la bien, tu auras besoin de cet argent pour trouver les ingrédients nécessaires et ramener quelques vivres exotiques d'Ilnedrie, en plus de te loger."

Aelalia prit délicatement la bourse de cuir qu'elle attacha convenablement à sa ceinture. Ilnedrie... Elle n'y était allée que très rarement à vrai dire, et sa soeur aurait largement préféré envoyer quelqu'un d'autre qu'elle mais... Sa cadette s'était proposée, volontaire comme jamais. En fait, toutes les occasions étaient bonne à Aelalia pour s'échapper du village et retourner dans la civilisation. La Mère Supérieure s'était réjouie trop tôt de constater que sa petite soeur n'avait plus quitté le village de Grimwyn depuis quelques temps... La voilà maintenant qui s'en allait pour les déserts rudes du sud ! Tout pouvait lui arriver entre temps, absolument tout. Mais elle ne pouvait rien contre l'impulsivité légendaire de sa cadette.

Tout sourire, Aelalia enlaça son aînée, s'assura qu'il ne manquait rien à Akasha et la monta, adressant un dernier regard à sa sœur avant de sortir du village. Un long, très long voyage l'attendait. Haïdayath, aussi dite la Chatoyante, n'était pas la porte à côté.

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Le désert était un environnement rude, où le moindre faux pas pouvait vous coûter la vie. Les sens de la sorcière n'avaient jamais été aussi en alerte, aussi bien vis-à-vis des éléments naturels l'entourant, que vis-à-vis des mauvaises rencontres. Les pillards n'étaient pas rares. Mais le plus grand ennemi restait le soleil, et le risque constant de la déshydratation. Aelalia veillait aux gourdes comme à la prunelle de ses yeux, ce liquide représentait leur source de vie, aussi bien pour elle que pour sa jument. Aucune goutte ne pouvait être gaspillée.

Depuis combien de jours voyageait-elle déjà ? Un bon nombre, les courbatures au creux des cuisses et du dos se faisaient sentir. La jeune femme soupira longuement sous le soleil de plomb, priant Mëawyn pour que la citadelle Ilnedrine surgisse tel un mirage. Elle était éreintée et fatiguée... Et puis, le manque cruel de l'eau désincrustant les ports de sa peau se faisait sentir. Aelalia aurait donné cher pour pouvoir prendre un bain, là ici-même, en plein milieu du désert. Les yeux fermés, ses lèvres s'étirèrent en un sourire ravi sur son visage à moitié camouflé dans un voile clair, quand les hennissements d'Akasha la firent revenir à la réalité. Instinctivement, la sorcière regarda si un quelconque danger était à portée de vue, c'est la première pensée qui vint à l'esprit de la jeune femme quand elle entendait sa jument hennir. En réalité, ses prières avaient été entendues, devant elle s'érigeait la fameuse Chatoyante. Dans un soupir soulagé, Aelalia fit accélérer le pas du destrier. Bientôt la délivrance.

Monde. Partout. A croire que Haïdayath ne se reposait jamais. Ses rues semblaient être en constant mouvement : des échoppes, des danseurs, des vendeurs, des enfants qui crient et qui jouent. Même la capital Melborienne ne semblait pas aussi animée à côté de ce spectacle. Marchant à côté de la jument, Aelalia la tenait fermement par le licol, se frayant tant bien que mal un passage à travers la foule, observant les échoppes. Parfois, elle s'attardait sur un fruit ou l'autre, le touchant ou le portant à son nez, pour voir s'il était suffisamment mûr, voire pas assez ou voire trop. Il fallait qu'elle choisisse bien, pour ne pas ramener quelque chose de complètement pourri après le long retour qui l'attendait.

Habillée en tenue de voyage, plutôt sombre, on peut dire que l'Héritière ne passait pas inaperçue, heureusement que les habitants de la cité étaient plus que largement habitués à voir des étrangers de toutes les horizons. Après plusieurs minutes, elle s'attarda sur une échoppe en particulier, dont les fruits et légumes semblaient parfaits pour supporter un voyage long de plusieurs jours en passant par tous les climats... Tiens, l'idée d'un sort lui vint à l'esprit, celui de conserver la nourriture ! Il ne serait pas inutile celui-là ! Se moquant de sa propre idée, sourire aux lèvres en tâtant les fruits, Aelalia ne se rendit pas tout de suite compte qu'une ombre se faufilait vers, dans le but précis de lui dérober sa bourse, pourtant bien camouflée. Quand elle sentit une main l'effleurer sur le côté gauche, la sorcière sursauta avant de faire volte-face, ne retenant pas un cri à moitié effacé par celui d'Akasha qui se cambra, tout aussi surprise que sa maîtresse. Instinctivement, Aelalia retint fermement la jument pour lui éviter le pire. Il ne manquait plus qu'un accident se produise !

Mais alors qu'elle réfléchissait déjà à ce qu'elle aurait pu raconter à sa sœur suite au vol de la bourse, une silhouette, plus imposante encore, s'interposa sur la trajectoire du voleur. Aelalia l'observa silencieusement. Un Khërada. Un Hybride qui lui vint d'ailleurs en aide, récupérant sans le moindre problème sa bourse, le voleur préférant encore sa vie à quelques neyrs. Il s'approcha ensuite d'elle, bourse en main. D'abord un peu intimidée, ou gênée, Aelalia baissa le regard, mais elle sentait bien que le regard du Khërada s'était posé sur elle. Remontant doucement ses yeux émeraude, ceux-ci se posèrent dans ceux améthyste de l'homme. Aelalia tendit ensuite sa main récupérant la bourse que l'Hybride lui tendait. Aucune animosité ne semblait l'habiter, le flux d'éther qu'elle pouvait réussir à percevoir n'avait rien d'agressif.

"Heu, merci... pour la bourse... et le conseil. Je pense que si vous n'aviez pas été là, j'aurais dû me résoudre à dormir sur la paille."

Elle le gratifia d'un sourire sincère, il était rare de voir un Khërada se montrer si humble. Sauf s'il jouait la comédie, mais alors une comédie parfaitement maîtrisée.

"Si vous désirez quelque chose en retour, pour votre geste... Un babiole ou l'autre, ou encore de l'argent..."