Etait-ce seulement une question d'égo ? Ce combat de coqs mettait en lice, deux antagonistes "intéressants". La fierté de ce soldat, fat de servir un Empereur, confronté aux ambitions démesurées d'une sorcière enhardie par sa nouvelle puissance, promettait simplement des débordements plus meurtriers que la colère des Juycols.

Ce fut sans doute la raison pour laquelle Myrilian n'intervint pas lorsque la Mère du Clan noir asséna un "soufflet" des plus violents à son acolyte. A dire vrai, même Arsidor ne s'était pas attendu à ce qui lui arriva, sans doute s'était-il imaginé accuser une vulgaire gifle d'indignation. Une nasarde plus humiliante que douloureuse … Une fois au sol, encore sonné par cette correction arcanique, il jura dans un chaos d'idées désordonnées, que cette sale garce allait le lui payer. Contre les affronts verbaux, étouffés par un acouphène douloureux, il tâtonna, tentant vainement de se relever alors que la douleur lui vrillait les tympans. Il mettrait sans doute plusieurs jours à recouvrer un total équilibre.
Raison de son abdication ….
Il était peut-être dangereusement impétueux, mais pas totalement fou.
Dans un râle il n'en oublia pas moins de répondre à la Sorcière :

" Je vous remercie de m'avoir éclairé quant à votre véritable "rang", j'avais besoin de certitudes … Ici ou ailleurs, vous n'êtes pas 'Ma' reine. Vous n'êtes qu'une seigneur lide, une arriviste de plus … Avant d'arguer la possession des ces terres, faites obéir les morts car se seront bien les seuls à vous accompagner … Certaines de vos soeurs m'en soient témoin depuis l'outre monde "

Plus sournois et douloureux qu'un coup de dague dans le coeur, Arsidor ne manqua pas de confronter l'Ensorceleuse à ses propres travers, elle devinera bien vite le statut de confident qu'avait cet homme pour le Melborien. Cherchant à expier sa frustration par tous les moyens possibles, même les plus bas, il ajouta :

" Je n'oublierais pas ce qu'il vient de se passer et croyez bien que j'en ai tiré les enseignements nécessaires. Je vais suivre votre injonction et je ferais silence … Un silence tel que si l'Empereur doit souffrir de son choix, vous ne m'entendrez pas venir. Comme vous l'avez souligné, je protège mon roi et pour répondre à votre question, je me trouvais au front, aux cotés de mon Seigneur … Là où, est et sera toujours ma place. "

A présent à quatre pattes, le guerrier du Viron tenta de s'appuyer sur la table pour se relever, Myrilian s'approcha pour s'interposer entre la Llorathi et son comparse, détrompé quant à la tournure qu'allaient inévitablement prendre les événements. Il sommait d'ailleurs l'homme de se taire, une bonne fois pour toutes avant de faire mander deux autres membres de la garnison, pour l'emmener. Celui-ci se verrait dès lors et sans doute, destitué de ses possessions et titres. Personne ne se leurrait cependant, il jouirait d'une retraite confortable, car Märblen ne le cèderait à aucune autre nation.
Myrilian se voulant bien moins véhément que le vieillard blessé, lorgna la Sorcière sans un mot, il se contenta d'attendre le retour de l'Empereur.

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Quand le "Fol-visage" ouvrit les yeux, une discussion animée semblait accaparer la Mère supérieure, Myrilian et la dénommée Alvyna, des échanges bien moins froids qu'il ne l'aurait espéré avant de sombrer dans le sommeil. Se souvenant brusquement des derniers aléas responsables de sa présence "sur" sur bureau, il se hâta à regarder ses … Mains. Il laissa fuser un maigre soupir de soulagement avant de constater avec bien moins d'entrain, qu'il était nu comme un ver. Se raclant bruyamment la gorge, il arracha le groupe à ses grandes réflexions, à présent dressé et impudiquement dévoilé.
Cette situation aurait empourpré plus d'une personne mais aux vues des circonstances, le Roi jugea que garder contenance était bien le seul moyen d'achever cette déchéance avec à minima de dignité.
Face aux regards médusés de son auditoire, il se contenta de lâcher d'une voix trainante :

" Je ne sais pas si je dois être flatté ou incommodé par votre inaction … Votre cape Myrilian … "

L'homme secouant vigoureusement la tête, ôta son houppelande carminée pour la passer sur les épaules de son Seigneur. Désormais, la profane avait mis un visage … sur l'Illustre masque. Pas qu'un faciès, mais ce détail ne sembla pas atteindre l'Empereur. Sans un mot, il toisa la responsable de cet envoûtement, il ne semblait ni exacerbé, ni reconnaissant, juste ... Impassible.

Le flux d'informations à collecter fut tel pour l'Empereur, qu'il céda le "Congé" quelque peu irrévérencieux et inopiné de la Profane, sans dire mot. Il se savait dans l'incapacité de se montrer pragmatique en de telles circonstances, l'ego toujours meurtri par l'acte de Saresha. Aussi bien intentionné fut-il, dans les plaidoyers exposés par Myrilian. Il avait bien d'autres problèmes à régler et bien d'autres torts à redresser, le cas échéant, il prendrait le temps de clarifier deux ou trois choses avec la Supérieure du Clan Noir.

Il s'attela dans un premier temps, à rendre son jugement concernant Arsidor, visiblement désappointé et contrit de devoir s'en séparer, il consentit cependant à le destituer de bien mauvaise grâce. Il savait que le débat le confrontant à ce vieil ami serait des plus houleux, mais il n'avait désormais plus le choix : Le vénérable l'avait privé de cet inestimable luxe en jetant nombre d'ombres sur des accords diplomatiques.
Vinrent ensuite les doléances présentées par Myrilian concernant le soldat responsable, bon ou malgré lui, du tragique destin de la "Suivante effarouchée". Si Märblen n'avait guère le coeur à s'occuper de problèmes de couches, c'est parce qu'ils parasitaient déjà bien assez, les intrigues de la Cour Melborienne. Mais plus que de vulgaires histoires d'intérêts livrés sur les draps, ce furent ses propres hommes qui venaient de ternir le "Masque" du Viron ; celui qu'il arborait pour être sous les atours de cette élite, une sorte "d'Alter ego". Les jugements portés à l'égard de cette faction, le touchaient directement et il ne pouvait malheureusement pas se permettre de "perdre la face", l'honneur de beaucoup trop de membres était en jeu. Il se sut donc dans l'obligation de "mener un coupable sur l'échafaud".
L'utilisation abusive de cette expression n'en resterait pas moins figurative, le Monarque avait sacrifié bien assez d'éléments pour la soirée. Il trouverait un châtiment adapté … le moment venu.

Commandant à ses hommes de s'assurer qu'aucun autre rôdeur ne se manifesterait, il fit déployer un périmètre de sécurité et les seuls soldats restants, de la garnison, s'attèleraient à offrir des funérailles descentes aux deux défunts, dans le respect des traditions de chacun. Suite de quoi le Dynaste des Nhyvar'dîm se passa à l'eau claire, et enfila des changes ; Pour plus de précaution, sa tenue de fonction et de faction, du Viron.

Il s'en alla ensuite au bril de la nuit, vers la tente de la Sorcière, commandant à la suivante d'aller quérir sa Dame pour un nouvel entretient au lendemain. Les plans avaient changés, le Bivouac resterait une journée de plus … Enfin, sur ces derniers entrefaits, il s'en alla achever cette trop courte nuit dans sa tente, tâchant d'occulter de sa mémoire, les éléments dérangeants de cette funeste veillée.
Se sachant dans l'incapacité d'oublier naturellement ces faits, il piégea les outrageantes rémanances dans son sigil et dormi d'un sommeil de plomb.

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L'aube vint trop vite, pourtant l'Empereur se leva sans difficultés, il déjeuna sur la tablée de la tente ou il avait la veille somnolé, attendant que soit annoncée, l'arrivée de la profane. Il semblait impatient … En attestaient ses doigts, qui pianotaient furieusement sur le bois de son dois.

Quelque peu raidi, le Roi releva bientôt le menton pour darder de ses iris singuliers, la Profane qui venait d'entrer. L'on aurait pu s'imaginer que l'arrivée tant attendue de la Mère du clan noir serait susceptible de le délasser, mais elle ne fit que le crisper d'avantage. Depuis que ses artifices étaient rendus caduques, progresser à visage dévoilé devant l'ensorceleuse était devenu une approche des plus malaisée. Plus que la veille encore, le Melborien se sentait nu, bien qu'il eut à coeur d'arracher ces événements à ses souvenirs.

Les doigts entrecroisés sur une carte passablement plissée, il ne répondit aux salutations de la mandée que par un sobre fléchissement de nuque, mouvance qu'il enjoignit de regards éloquents pour ses hommes, qui quittèrent derechef la tente de commandement.
Sur le mutisme de Saresha, le Monarque trouva là une bonne opportunité d'établir son discours. Beaucoup s'attendaient à un laïus, à une discussion houleuse et, ou, des admonestations. Les paris avaient été lancés …
Il n'en fut cependant rien. Très calmement, L'Empereur s'attela à régler au plus vite les questions et problèmes en souffrance :

" Vous saurez tout d'abord que la dépouille de votre amie et acolyte, a été traitée par les meilleurs embaumeurs de Nôldanthar, vous pouvez désormais vous receuillir et présenter vos hommages dans un espace de veillée funèbre au nord du Camp. Des hommes seront mis à votre disposition pour traiter le corps, selon vos croyances et rites mortuaires.
Je crois inutile de préciser que je ne veux jamais plus, entendre parler de cette "veillée". Vous êtes la seule personne dans la confidence, si je ne compte pas votre suivante. Si ces malaventures devaient sortir du cercle, je me verrais obligé de rompre avec cette intimité toute particulière … Je crois tout aussi stérile de revenir sur votre 'don de vous même', car si il fut motivé par quelques bonnes intentions, il n'en fut pas moins osé et hasardeux. Que votre position soit viable ou non, je n'en oublierais pas moins, avoir été 'victime' de la magie … Une estampe qui aurait pu couter bien cher à ma dignité, si je n'avais pas "privé" certains de mes hommes, de quelques évocations …"

Oui, il avait juste gardé le nécessaire en matière de commémoration personnelle et user du sigil sur ses fidèles l'avait grandement peiné. Qui plus est épuisé … Même si il sentait poindre une certaine amertume en lui, il s'attela cependant à la ravaler.

" Vous garderez désormais à l'esprit que quelque soit le terrain où nous nous trouvons, je vous interdit formellement d'utiliser la magie en ma présence. Je considèrerais désormais toute entreprise ethérique comme une éventuelle menace, si elle n'est pas requérie par ma volonté … Vous aurez à coeur de vous souvenir que mes hommes me sont dévoués et qu'ils ont la main leste.
Je n'en oublie pas pour autant, que votre action, 'dans les circonstances', ont vraisemblablement participé à ma 'sauvegarde', nous en resterons donc là. "

Sur ces mots, l'Empereur glissa son poing devant le bas de son visage, les sourcils sensiblement froncés. Il ne sembla pas s'être, tout à fait déchargé de tous ses maux. La dernière plaie à panser, à dire vrai, celle qui allait déterminer la tournure de cet échange qui promettrait de s'ouvrir comme une plaie béante ou de se gangréner, au moindre fiel et soubresaut :

" J'ai … 'Participé' à votre échange avec Arsidor Dame Ner'Daryn … " - Le Réprouvé de s'aventura pas à quelques explications concernant les 'facultés' de son anneau ou la façon dont-il avait extirpé ces informations, car il dormait ostensiblement lors des événements invoqués.- " … Il a été destitué et assumera les conséquences de ses actes. Puisqu'il n'a pas consenti à vous présenter d'excuses officielles, il ne reviendra qu'à vous de rendre justice "sur vos terres", si d'aventure il s'y présentait. Je n'en ai pas moins écouté ses mots, comme les vôtres et j'aimerais vous poser une question … Une seule. Une question qui déterminera sans doute le fondement même de nos accords …

Quel statut pensez vous occuper exactement et vous imaginez vous votre place dans l'Empire ? "

Peut-être y flairait-on une question piège ? Il n'y avait pourtant pas de traquenard … Juste une révélation attendue derrière les retours. Une sorte d'ultimatum chafouin où le Dynaste des Nhyvar'dîm installerait sa suprématie, feignant de ne guère l'imposer …

Figé, comme une auguste statue, l'Empereur reçu les premiers mots de la Profane avec une certaine indolence. Il ne jugea pas nécessaire de pousser la surenchère … Saresha n'attendait sans doute aucune consolation et il n'avait pour sa part espéré aucun remerciement, il avait simplement fait preuve d'un solennel respect pour quelques dépouilles.
Son véritable intérêt fut enfin piqué, harponné même, par l'expansivité de la Sorcière alors écharpée par son austérité. Cette femme qui désormais tentait de faire prévaloir ses droits, de "taper du poing sur la table" en exposant une garde enflammée. Le Monarque ne dit mot, durant toute la durée de cette oraison houleuse et inconstante, tantôt soulignée par la colère, tantôt ponctuée de rires amers. Cela ne lui évoqua rien de moins que les éclats d'une hystérique ou ceux d'un enfant de bas âge, exhorté par un refus. Cette petite analogie, bien personnelle, manqua de barrer son visage d'un rictus cynique … Il parvint pourtant à ne rien laisser transparaître. Ce genre de relâchement n'aurait sans doute rien apporté de bon pour ces entretiens.

Ce monologue fut ponctué de révélations pour Märblen :
Elle n'était donc pas sous son commandement ? Affranchissement des plus prévisibles. Il le faudrait cependant, pour leur survie. Il était une barrière aux idéologies ? Peut-être bien, mais la sorcellerie n'était pas une idée pour lui, juste un outil. Cela amenait une seule conclusion, leurs visions divergeaient grandement concernant la Sorcellerie, il aura bien à coeur de le lui faire savoir au moment opportun.

Enfin vint un aveu de la sorcière, appuyé par une anecdote … Cela ne sembla pas émouvoir le Dynaste des Nhyvar'dîm qui demeura encore et toujours, impavide. En effet, cette confiance était une sottise, une preuve de crédulité absolue. Il n'en avait aucune à l'égard de la Mère noire. Ce qu'il fallait que l'Ensorceleuse assimile, était un crédo des plus employés : " Sois proche de tes ennemis et encore plus de tes alliés ". Cet accord n'avait pas été édifié sur un respect mutuel ou encore sur la "foi". La seule véritable volonté du Roi Melborien était de pouvoir surveiller le clan noir, a terme ? De le contrôler de façon insidieuse. Bien sûr il avait renoncé à la contrainte, il se savait dans l'incapacité d'avoir main-mise sur ce cercle, mais il n'en restait pas moins à assez bonne proximité pour tenir ses sous sa surveillance.

C'est donc là dessus, que le Guide des trois nations daigna enfin poser son propre monologue :

" Intéressant Dame Ner'Daryn, autant qu'éprouvant … Vous parlez de liberté, de statut et d'influence avec une telle "Naïveté", une telle "ambiguité". Si je vous comprends bien, je me dois de tenir vôtre rôle pour les abords les plus pénibles du pouvoir, mais en vous cédant une totale autonomie ?
Pourquoi accepterais-je ces termes ? Pour quelle raison jouiriez vous de ma protection, de mon soutient et de mes ressources ? Le terme d'Alliance est une approche bien bancale … "

pinçant de son index et de son pouce, la base de sa cloison nasale, les paupières closes :

" Je vous ai cédé une chance inestimable, faire vos preuves pour renouer avec les hommes. Ceux qui vous ont chassées, traquées comme des bêtes sauvages. J'offre bien plus que de vulgaires apports Dame Ner'Daryn, j'offre "l'unité de la race humaine", celle dont vous faites partie. Il n'y a qu'une fin envisageable, celle où notre suprématie altèrera les maillons établis de la "Chaîne", celle qui a été corrompue par l'éther … Vous voulez connaître ma vision de la Magie ? Elle est à l'image de bien d'autres empires. L'argent, la réputation, l'influence … Elle peut être utilisée pour le meilleur et surtout pour le pire. Le seul élément différenciant chacun de ces emblèmes de pouvoir, c'est l'échelle de leur dangerosité. La magie peut prendre le contrôle d'un être, elle peut le corrompre et à terme, elle peut être notre fin, à tous. Alors dois-je laisser ces armes entre les mains de bâtards séculaires d'une arrogance sans nom ? Où encore à des monstres mortifiés consommant et consumant tout ce qui vit comme des nuées de parasites ? "

Le regard déjà plus dur, l'Empereur sonda la Sorcière avant de conclure :

" Si vous n'êtes pas capable de choisir la juste cause, la voie de la sagesse, je vous libèrerais de toute obligation. Vous serez en droit d'écouter votre seul orgueil en jouissant des "pouvoirs" qui vous ont été conférés, du moins avant que ce ne soient eux qui jouissent de vous. Dans ce cas, ma "chère alliée", vous deviendrez vous aussi une menace …
Si vous souhaitez réellement changer les choses, alors vous vous plierez à mes exigences et vous pousser à la modération de vos pouvoirs sera je pense, un moindre mal … "

Il y était des choses que l'Empereur pouvait sentir, au delà de l'éther. Un "sens" travaillé par de trop nombreuses et interminables négociations … des choses comme l'impatience, mais aussi et surtout, la colère.
L'amertume à peine contenue de la mère noire, sembla grandement influer sur le Melborien, qui en dépit de son irritation, fit preuve, de bien plus de mesure. Il écouta les nouvelles doléances de la profane avec une fausse placidité avant de trouver l'opportunité de se positionner dans le débat :

" Je n'ai que faire de l'opinion publique, Dame Ner'daryn, alors celle de vos consoeurs ne m'amènera pas une seule seconde à veiller la nuit. Je passe bien plus de temps à protéger ma propre vie, qu'à gouverner … Si je devais m'engorger de sensibleries, nous ne serions pas en train de converser et pis encore, vous seriez sans aucun doute confinées dans vos "Marais" avec des soucis autrement plus importants. Parlons j'imagine d'un régent moins ouvert que je ne le suis vous concernant …
Devrais-je estimer que l'absence de représailles fut une grâce que votre clan nous a accordé ? J'aurais propension à penser, vu le tableau calamiteux dressé par vos aveux, qu'une simple battue aurait suffit à vous réduire à néant.
Ne vous laissez pas aller à la confusion … Je ne condamne pas l'outil, mais bien celui qui le manipule. Si vous faites preuve de bonne volonté, je reverrais peut-être ma vision de la Magie, mais pour l'heure je ne vois que les dangers qu'induit ce genre 'D'atout', surtout entre de mauvaises mains. "

Comme délesté, le Dynaste des Nhyvar'dîm se laissa sensiblement aller, s'enfonçant un peu plus dans le dossier de sa chaire, échappant un léger soupir. Il attrapa enfin un petit godet d'argent, à peine plus grand qu'un dé à coudre avant d'en descendre le contenu. Une liqueur Ilnhedrine particulièrement sucrée qui lui monta bien vite aux joues. Un coup de fouet suffisant pour rendre sa journée plus abordable, mieux encore, pour alimenter ces accords avec plus d'entrain. Il vit donc se dérouler le vélin, mais stoppa bien vite la Sorcière :

" Nous parlerons seulement des termes pour le moment, tout sera noté par un parti Neutre … Je propose donc un Réprouvé. Voyez cela comme le symbole d'unification de nos "Nations" … "

- Le Monarque se fit sensiblement trainant sur ce mot. -

" … Nous enrôlerons ensemble le 'greffier' chargé de compulser le contenu de nos accords. Pour ce qui est de ce que je peux vous offrir … Je proposerais donc des terres rattachées à l'Empire, témoignage de ma confiance et de ma bonne foi. Vous seraient en ce cas alloués, plusieurs hectares dans les forêts d'Emengir, pour édifier une ville plus sécurisée …"

Là dessus le Melborien se fit silencieux, attendant l'assentiment de la Sorcière. Il estima son choix judicieux, car il en tirerait aussi un avantage non-négligeable ... Une meilleur surveillance des agissements du Clan noir. Officieusement ... Bien entendu.

Rien ne semblait pouvoir éroder le roc, pas même les admonestations de la sorcière qui semblait s'enhardir à chaque nouvelle entrave … En son fort intérieur, pourtant, l'Empereur nourrissait bien l'envie de noyer les présomptions de cette petite hobe dans un océan de fiel. Il jugea que ses grands élans de négoce, ne furent rien de plus que des tentatives desespérées pour acquérir une certaine crédibilité. Le Melborien avisé, craignait la magie, oui, plus que quiconque, mais sans cette dangerosité potentielle, la Mère du clan noir n'était pour lui qu'une petite bourgmestre à la tête d'une poignée de paysannes … Il était grand temps que le cycle se rétablisse, que les maillons entremêlés de la chaîne se dénouent.
Pis encore, la profane outrepassa nombre de limites en parlant de la condition du Sang des Nhyvar'dîm, en se permettant de se prêter à des élans moralisateurs. Ce que Märblen avait réussi à contenir jusqu'ici, s'extirpa à son carcan de chair, suinta par tous les pores de sa peau d'albâtre. L'exaltation de son aura, de sa nimbe mercurée, illumina les yeux des plus éveillés à l'éther, une terrifiante et mirifique manifestation. Cette empreinte pulsa de vibrations si puissantes, qu'elles en auraient ébranlé le camp, si elles avaient seulement été tangibles ...
Les mains du Monarque frappèrent sèchement les accotoirs de la chaire, alors qu'il se redressait comme un diable, les sourcils à présent froncés. Les lèvres effilées par l'amertume :

" C'en est assez ! Je tolère cette mascarade d'entente par simple miséricorde … Ne lutinez pas trop avec la fortune Dame Ner'daryn. Je vous ai déjà cédé bien trop d'importance et vous me faites perdre un temps précieux. Si mes offres ne vous intéressent guère, retournez donc dans la fange vous préoccuper de ce qui vous 'empêchera réellement de vivre' … La tenture menant à votre glorieux patrimoine est juste derrière vous. "

Se laissant glisser lentement vers la chaise pour y reposer son séant, le Dirigeant des trois nations expira longuement. Ceux qui avaient pu entendre ses clameurs restèrent à dire vrai coit pendant un long moment, observant un temps de silence en mémoire de sa légendaire "impavidité". Plus sombre que jamais, le Souverain gratifia son interlocutrice d'un regard glacial. A l'extérieur, ses hommes s'activaient déjà, persuadés que les choses allaient bien mal tourner. Le dispositif de sécurité s'installa plus vite encore qu'une nappe de brouillard matinal … En somme ? Des tireurs embusqués sur un large périmètre et des fines lames prêtes à larder la tente de commandement. L'intensité joignant les iris du Roi et de la mère supérieure était grandissante, mais jamais le Gardien de l'Empire ne baisserait les yeux. Ce sera à la porteuse d'arcane de mettre genou en terre avant d'y apposer son front :

" Vous ne m'avez laissé qu'un seul choix, celui de vous congédier … Sortez d'ici. Je vous offre un havre, pas des terres à coloniser. Ce qui est à Melboör, reste à Melboör. Souvenez vous de vos origines avant de vos préoccuper des miennes, car votre sang est inéluctablement malté par le legs d'une des trois nations que je gouverne. Soit vous en êtes, soit vous resterez lides, libres et isolées, confrontées à vos démons. Gardez aussi en mémoire, qu'en dépit de vos plaintes, les hommes ont du accepter certaines de vos propres règles et grâce à eux vous pouvez perpétuer votre "lignée". Pour conclure ...
Peu importe votre sort … Vous ne m'êtes pas indispensable. Je ne vous retiens plus … "

Peut-être y avait-il eu du Mhabnon en ce discours … Peut-être. En tous cas le sigil placé au doigt du Melborien, se mit à vibrer … Pulser. Scrutant toujours durement l'Ensorceleuse, le Marmoiré ne se dépara pas de sa froide détermination et attendit qu'elle ploie, ou disparaisse de sa vue.

On aurait pu attendre bon nombre de « manifestations » du Monarque : Une pointe de culpabilité ? Un courroux plus grand encore ? L'expression poussive de son exaspération, qui sait ?
Pourtant, rien ne sembla émerger de cette coquille vide, le Roi était à présent dépouillé de toute émotion, il était comme … Livré à un état de langueur. Une hébétude qu'il devait autant à la fatigue, qu'à l'empire néfaste du Sigil. Ce n'était pas la première fois que cette breloque capricieuse, éprouvait Märblen. Cet écart n'incombait pas à l'anneau, mais plutôt aux rémanences négatives qu'il celait … Mhabnon n'était plus, mais au travers de son fils, demeuraient certains éclats de son vécu.

Le Melborien était conscient de ces faits, mais il avait fait un choix, celui d'être confronté chaque jour de son règne, aux erreurs de ses prédécesseurs. Que ce fussent les allégations de Saresha concernant le traitement des profanes, les pertes de batailles passées ou encore, les actes odieux d'un patriarche avide et ivre de pouvoir. Il tint parole, en faisant ... silence. Il ne se soucia guère de ce qu'il venait de faire germer en son interlocutrice et se contenta de fermer les yeux, s'abandonnant à une longue et profonde méditation. Un élan qu'il jugea plus que constructif pour regagner une certaine sérénité, son héritage ne pouvait pas tout régler et cet entretient ne pouvait pas être effacé de sa mémoire.

C'est donc sur ces bases que se profilait l'unité des hommes … Le chemin semblait bien plus long et cahoteux qu'espéré.